LE PATOIS DANS LE CANTON DE SAINT-PIERRE DE CHIGNAC

pour Charles Mespoulède et Henri Lamy

d’après une étude publiée en 1927
par Gaston Guillaumie
agrégé de Grammaire et natif d’Atur

 

1. Avant-propos

2. Introduction
    Les limites du dialecte
    Les zones phonétiques
    Le canton de St Pierre
    de Chignac

3. Prononciation

  4. Glossaire :
I. La nature
II. La terre et ses aspects
III. L'eau
IV. Routes
V. Le règne végétal
VI. Le règne animal
VII. La maison
VIII. L'ordre et le ménage
IX. En dehors
X. Les travaux rustiques
XI. L'activité
XII. La propriété

 

5. Lexique

6. Version imprimable (pdf : 2,85Mo)

 

 



GLOSSAIRE


Les mots composant le glossaire ont été exclusivement recueillis sur place, dans le canton de Saint-Pierre de Chignac, […].

 

    XI. L’ACTIVITÉ

     

Le vocabulaire patois qui indique les diverses modalités de l’action est très riche. On peut faire choix d’un certain nombre de mots et locutions caractéristiques, désignant les besoins, l’action proprement dite, son succès, le caractère du sujet de l’action, les formes mêmes ou les aspects de l’action.

 

    1) Les besoins

On dit encore avei meitié, co me fai meitié, pour indiquer le besoin, mais on dit également : ne sei pas d’eimai d’aco (je n’en ai pas besoin). Pour dire qu’on peut se passer d’une chose, on emploie le verbe : parci : vai t’en, iou te parcirai (va-t-en, je me passerai bien de toi). En parlant d’un valet congédié, un paysan dit : m’en o tro fai, ai de què lou parci (il m’en a trop fait voir, je peux me passer de lui). De deux personnes qui se détestent et ne peuvent cependant aller l’une sans l’autre, on dit ne poden ni se sufri ni se parci. Ce verbe signifie aussi qu’on se serait bien passé de faire une chose, si elle n’avait pas été nécessaire : oúrio pló parci la deipenso… un zou parcirio bè.
Pour dire qu’on se prive de quelque chose et qu’on en souffre, on emploie le verbe : margi lou po (ne pas avoir assez de pain ; on dit aussi, mais plus rarement, pati lou po (manquer de pain). Quand on a besoin de faire une chose et qu’on la fait à regret, on dit : co me fai coussié de me servi d’aco, (on dit aussi : co me fai cremo).
Utiliser, mettre à profit une chose, l’adapter à ses besoins, c’est : abenã, ou aproufitã (on dit aussi aproufechã). En faire au contraire un mauvais usage c’est la deifroujã, c’est-à-dire la gaspiller (deifroujous, deifroujouso : gaspilleur), ou la chafroulhã. On dit encore : deisaproufitã.

 

    2) Succès de l’action

Pour indiquer le succès de l’action, il faut signaler un certain nombre de mots dont l’emploi tend de plus en plus à disparaître, par exemple le verbe eimanciã, qui veut dire : réussir, frapper juste, ne pas manquer son coup. (Au figuré, en plaisantant sur une femme enceinte : toun ome ne t’a pas eimanciado). Venir à bout d’une tâche se dit encore : apouderã, et s’opiniâtrer : s’oúpignã. Pour indiquer un obstacle, un embarras, on dit : uno entraupo (verbe : s’entraupã, qui veut dire aussi : s’entraver et tomber). Ce qui gêne, au moral comme au physique, s’exprime par la locution : co me fai naujo de…, par exemple si co vou fai naujo, tira zou (si cela vous gêne, enlevez-le). Rendre une chose facile, praticable se dit : apraticã. […]

 

    3) Caractère du sujet agissant

A côté de ces mots : valhen, trabalhaire, le patois offre certains adjectifs d’une valeur métaphorique comme belujou (féminin : belujoto) : vif, pétillant comme une étincelle ; fringareù (féminin : fringarèlo) : frétillant (du verbe fringã). On dit aussi un boulejaire (un homme remuant, jamais en place) et l’adjectif : traficous (féminin : traficouso). Pour exprimer la paresse et la nonchalance, à côté de l’adjectif fenian, il y a surtout l’adjectif : loueinous (féminin : loueinouso) ; mais on dit : uno loueino : un fainéant. On dit également : uno luro, uno grando luro (verbe : lurã : être fainéant, et s’alurã, devenir fainéant) ; uno trulo (verbe : trulã), uno badurlo (verbe : badurlã), ce dernier mot signifiant surtout quelqu’un qui musarde, qui s’amuse à des riens.
Pour désigner l’adresse, l’habileté, à côté du mot adrè (adroit) il y a le mot ginious (féminin : giniouso) : qui a de l’ingéniosité ; la gigno : l’habileté. On dit  aussi eiveri (féminin : eiverido). Le maladroit est dit tougne (féminin : tougno) ; c’est un tougnau. Celui qui gâche maladroitement le travail est un sarpeiaire (verbe : sarpeiã).
[…]

 

    4) Modalités de l’action

    a. Hâte, rapidité :

Pour exprimer la hâte, il y a le verbe couchã : co coucho de fa co : ça presse de faire ceci ; ai coucha tan qu’ai pougu : je me suis hâté tant que j’ai pu. On dit aussi : se trijã (se hâter), et de plus en plus rarement : co teino, co teinavo : ça presse, ça pressait… Faire trop vite un travail, c’est sargoulhã ou pangoussã.
Tourner sans rien faire, c’est barutelã ou banturlã, et l’expression coudo-li-coudo (de coudã : brouter) veut dire « lentement, comme les bœufs qui mettent tout leur temps pour brouter ».
Une expression très usitée, c’est le verbe einansiã : avancer rapidement dans un travail. Un einansié est un homme qui va vite en besogne. Un travail qui est déjà bien avancé se dit : einansa (féminin : einansado), et, pour dire d’un travail qu’il est difficile, qu’on n’avance pas vite : co n’ei pa d’einan.
[…]

    b. Effort, peine, repos :

Faire effort, c’est apenã et travailler beaucoup, « trimer » se dit tribã. Quand on souffre en faisant un travail difficile, on dit maralhã. Etre rendu, exténué se dit : esse alaia, ou deialena, eirena (féminin : eirenado) veut dire éreinté (verbe : s’eirenã). S’époumoner, se crever au travail : se deilenã, s’eissuã ; perdre la respiration : perdre lè.
[…]
Se reposer se dit se deilaiã ; être inactif, être oisif : se leserã, esse de lesei (les oisifs : lou delesei). On dit aussi se leira.